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Interview Melba

Meow !


Sorti le 7 juin 2019, Coeur combattant, le premier EP de MELBA propose des textes forts sur la mort, les femmes, le rapport au corps. Des textes qui ne mâchent pas leur mots, comme leur auteure, MELBA, et lui valent de figurer parmi les finalistes du Prix George Moustaki.

Une belle reconnaissance pour MELBA qui confesse avoir eu besoin de temps pour prendre confiance en son écriture et se livre ici comme sur scène avec beaucoup de sincérité et de spontanéité. 

 

Ensemble, on a parlé de Jacques Brel, de Cyrano de Bérgerac, des carcans de la société, de l'engagement et de ses futurs projets.

Je ne sais pas vous, mais meow j'ai hâte de voir et surtout d'écouter la suite  de ce que nous réserve cette artiste surprenante  qui a décidément beaucoup à dire ! 

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MELBA est  en finale du  prix George Moustaki

le 20/02/2020 avec son EP "Coeur Combattant"

Melba / auteure-compositrice-interprète

Chat à Plume : Comment as-tu connu le Prix Georges Moustaki ? As-tu eu de belles surprises en découvrant la musique des autres finalistes ?
 

MELBA : J’ai connu le Prix car je m’inscris à différents tremplins liés à la francophonie.

CàP : Avoir un texte sur le papier et d’un seul coup de l’incarner, qu’est ce que ça change concrètement ?
 

M : Parfois l’incarner ça peut donner au texte toute sa dimension. Par exemple, si tu prends n’importe quelle chanson de Brel, il y a une théâtralité qui me touche extrêmement, qui vient me chercher tout de suite.
Même si je crois qu’un texte au départ il se doit d’être fort sur le papier déjà. C’est d’ailleurs ça qui est compliqué je trouve, il faut le texte il soit fort de base, sans musique, sans contexte, sans rien. Moi, de toute façon, quand j’écris la plupart du temps j’ai déjà un genre de flow dans la tête, une manière de le rythmer, même une mélodie parfois, même si je commence quasiment toujours par le texte et le papier.

 

CàP : Tu as sélectionné 5 textes pour ton EP, en écris-tu beaucoup plus, ou est-ce que finalement tu en écris peu mais qu’ils aboutissent presque tous sur une chanson ?

 

M : J’écris très peu. J’ai même du mal à écrire en fait, ou plutôt à mettre en forme des choses pour la musique. Du coup quand j’écris, il est rare que je jette un truc ; ou alors je prends le temps de le remodeler. Mais c’est rare que ça ne fasse pas une chanson.
Écrire des chansons, je le fais très peu au final, je me force à le faire entre guillemets parce qu’il y a cette idée de scène derrière et parce que je ne me reconnais pas quand d’autres gens écrivent pour moi.

Faire les reprises c’est pareil, c’est sympa un moment mais les choses ne sont pas forcément dites comme je le souhaiterais, je ne trouve pas non plus tous les sujets que j’ai envie d’aborder, de la manière dont j’ai envie de les aborder dans des chansons existantes ou écrites par d’autres.

 


CàP : Tu disais dans une précédente interview que Lucas Roullet Marchand, le directeur d’à Thou boutd’chant à Lyon est celui qui t’as mis le pied à l’encrier si j’ose dire. Tu n’écrivais pas avant cette rencontre ?


M : J’écrivais déjà avant de rencontrer Lucas, c’est d’ailleurs ça qui nous a fait nous rencontrer, mais à l’époque j’aimais chanter, et j’aimais écrire mais je sentais que je n’écrivais pas hyper bien et Lucas est celui qui m’a boostée pour que j’écrive mieux et que j’essaye de faire des textes qui me plaisent. Et du coup il a été un long moment par-dessus mon épaule à me dire « recommence, tu peux écrire mieux que ça ». Alors mieux moins bien ce n’est sans doute pas comme ça qu’il le formulait d’ailleurs, mais il me disait en gros « repousse tes limites, tu peux le dire encore mieux, encore plus précisément ». En fait il m’a convaincu que non seulement j’avais le droit d’écrire et qu’en plus je pouvais le faire en étant satisfaite, peut-être à un moment où j’aurais pu lâcher l’affaire.

 


CàP : Et du coup à partir de quand t’estimes-tu satisfaite d’un texte ?

M : Grosse question ! D’ailleurs des fois je ne suis pas totalement satisfaite, je me lance et je le regrette après. Je me dis que j’aurais pu faire encore un effort. Mais globalement je suis satisfaite d’un texte quand je sens qu’il me touche, et qu’il va pouvoir me toucher encore longtemps.
le retour des autres est également important : je travaille beaucoup en collaboration, et de plus en plus. Plus ça va et moins je suis un loup solitaire. Je me tourne de plus en plus vers des collaborations et j’adore ça en fait.

 


CàP : Et, justement, des collaborations d’écriture, tu en as fait beaucoup jusqu’à présent ?
 

: J’avais commencé déjà à faire des collabs avec Lucas, une autre collaboration avec Presque oui, même si je ne la chante plus maintenant parce que ça ne me ressemble plus trop. Collaboration avec Clou pour une chanson qui est mon 1er EP, elle s’appelle Amazones. Ce n’était pas forcément destiné à être une collab, d’ailleurs. Elle m’avait envoyé une chanson en me disant que je pouvais me l’approprier et tout modifier si je voulais. Et c’est ce que j’ai fait. Au final en fait j’ai réécrit les couplets et il ne reste que le refrain du texte initial. Mais au final ça reste une collaboration, car si elle ne me l’avait pas envoyé je n’aurais jamais fait cette chanson, et un refrain au final dans une chanson c’est très très important.
Là en ce moment j’ai décidé de collaborer avec les gars qui m’accompagnent sur scène : Nicolas Steib – qui est auteur compositeur interprète avec son projet Slogan- et qui a co réalisé mon 1er EP, avec Jason Del Campo pour la musique parce qu’il est compositeur - notamment dans Enoïa -, et c’est le guitariste qui m’accompagne sur scène, et puis Martin Luminet, ACI qui est très talentueux.
Là on a pris 3 jours avec ces 3 gars dans une maison à la campagne. Moi je suis arrivée à chaque fois avec au moins une idée que ce soit mélodique, textuelle, un thème… peu importe ; et on a travaillé pour chaque chanson de manière assez différente et spontanée surtout.
En fait on essaye de retrouver la flamme qu’on avait quand on avait 15 ans et qu’on commençait à faire des chansons, en essayant absolument de ne pas se brider, d’ouvrir le champ des possibles au ma-xi-mum.

Amazones, issu de l'EP "Coeur Combattant" - texte issu d'une collaboration avec  la chanteuse Clou.

CàP : En parlant de retrouver ces sensations premières, dans ton parcours d’auteure tu as participé à divers ateliers ou rencontre autour de l’écriture. Qu’en as -tu retenu (ou pas ^^) ?

: En fait, j’écris depuis toujours, mais j’avais toujours la sensation que j’avais des difficultés pour mettre les choses en forme, et je ne me sentais pas à l’aise pour partager ce que je faisais.
Par rapport à ça Lucas m’a formé à quelque chose disons de très classique en terme d’écriture, avec une versification, avec de la métrique, que moi je n’avais pas forcément et du coup je laissais le texte un peu bancal et je ratrappais le truc avec la musique. Ça, c’était très présent chez moi au début. Et du coup son gros apport a été de m’apprendre à regarder un texte, nu, sans musique,  dans le blanc des yeux. Le truc qui ne pardonne pas, quoi… ! Donc ça c’était bien, mais après j’en suis un peu revenue. Notamment je pense au texte de Céleste, il y a des endroits où il n’y a pas de versification et pas de métrique.
Et après si l’on évoque les rencontres d’Astaffort, ce n’est pas vraiment un endroit pour apprendre à écrire, ils te laissent faire à ta manière. Par contre, ça te met en position de co-écrire avec des personnes qui ont des univers et des manières de fonctionner très différents des tiennes, et c’est ça qui est intéressant.

Tu sors de tes automatismes, de tes petits doudous. Donc ça apprend à collaborer.
Au final ce qui est intéressant, quand tu construis quelque chose c’est aussi de pouvoir le déconstruire derrière.

 

CàP : Qu’est-ce qu’à ce jour tu aimerais changer dans ton écriture pour qu’elle te ressemble encore plus ?

M : C’est une belle question et si j’avais la réponse, je serai déjà dans le futur je pense. Mais actuellement ce qui m’intéresse c’est encore et encore d’aller vers des thèmes qui me sont chers et qui sont importants, parce que même dans une forme de légèreté on peut aborder des choses fondamentales, et c’est ce que mi- consciemment, mi -inconsciemment j’essaye de faire je crois.

 

CàP : A travers tes chansons, qu’est ce qui est le plus important pour toi de délivrer, le message ou l’émotion ?


M : Mon désir est d’équilibrer les 2 absolument, même si j’ai une obsession pour le sens. Il y en a qui arrivent à créer une émotion en écrivant des choses très nébuleuses, et très belles, mais pour moi qui suis très terre à terre, j’ai vraiment besoin de savoir de quoi on parle, pour écrire une chanson.
Et si toutefois je sens qu’on s’éloigne un peu du sujet et que ça devient trop nébuleux, j’ai tendance à revoir ma copie. C’est pas forcément vrai pour Céleste tant qu’il n’y a pas Delta Charlie Delta, pas sûre que tout le monde comprenne, mais c’est un peu l’exception.
aussi j’ai un désir de faire quelque chose d’accessible. J’ai envie que n’importe qui parlant français puisse comprendre ce dont je parle, et du coup je m’éloigne d’un style un peu littéraire, je pense par exemple à Jusqu’à la mer qui est un peu pompeux dans le style je trouve.

CàP : Y’a-til d’autres formes d’écriture que la chanson que tu as envie de tester à l’avenir ?

: J’adorerais écrire un livre, soit un roman soit des poèmes, mais je ne m’en sens pas spécialement capable pour le moment. Mais en tout cas ça me fait envie depuis bien longtemps – avant même l’écriture de chanson. Par exemple quand j’étais enfant lors de longs trajets en voiture ça m’arrivait tout le temps, j’inventais des histoires dans ma tête, mais avec une forme écrite. Je cherchais la formule en fait.
Pour le théâtre aussi pourquoi pas. J’ai déjà essayé d’ailleurs. Ça me plairait beaucoup. D’ailleurs avant de choisir la musique je me posais la question du théâtre en tant qu’interprète.

 

CàP : Maintenant faisons un petit jeu. Parlons de ta plume comme si c’était un personnage.
Ta plume à ton avis, est-elle plutôt une femme, un homme ?


: Alors à savoir si c’est une fille ou un garçon, je dirais que j’aurais envie qu’elle n’ait pas de genre, mais je dirais quand même que c’est plutôt une femme parce qu’elle est mon extension. Mais parfois dans ma vie je suis dit « t’as le droit d’écrire comme un garçon », ce qui est hyper violent quand on y pense. Et hyper révélateur du monde dans lequel on vit. C’est-à-dire que pour m’autoriser à écrire ce que j’avais envie de dire, potentiellement fallait que je me dise qu’il fallait que j’écrive comme un garçon. Notamment quand on évoque des choses charnelles. On associe les chansons d’amour aux meufs et les chansons de sexe aux garçons. Ce qui est absurde en fait. Les femmes parlent d’amour, les femmes sont romantiques, tout ça, ce n’est pas du tout mon cas, et pourtant je suis une femme.

Machine de Guerre - Clip Officiel. Extrait du premier EP de MELBA

CàP : Et si tu me parlais à présent du tempérament de ta plume, est-elle plus timide ou au contraire plus audacieuse que toi ?

M : Plus largement je dirais qu’elle est plus grande que moi, et qu’elle s’autorise plus de choses que moi, ce qui m’aide beaucoup dans la vie. Ça me dépasse un peu.

CàP : Cette plume, de qui est-elle la fille cachée ?


M : Le premier truc qui me vient c’est Edmond Rostand, car c’est ma première passion textuelle. Enfants on n’avait pas le droit aux Disney à part les Aristochats et Mary Poppins, mais sinon pas de Disney, du coup on a connu plein d’autres trucs très cools. Et comme ça, un jour j’avais 5 ans environ et ma mère me met Cyrano de Bergerac par Rappeneau avec Gerard Depardieu, Anne Brochet et Vincent Pérez, et je crois qu’à ce moment-là, elle pense que ça va m’ennuyer. Mais j’ai été aussitôt prise de passion pour ce film et ce texte incroyable. Et je me suis mise à regarder ce film en permanence de mes 5 ans à … maintenant (rire). Je pense que l’alexandrin c’est très impressionnant et puis ce rapport à la beauté, à l’intelligence, à l’intelligence du cœur, aux beautés très différentes, ce sont des valeurs qui sont fortes et qui me parlent. Je ne sais pas ce qui m’a touchée précisément mais en tout cas c’était une révolution quand j’ai découvert ce texte, et c’en est toujours une. C’est un pilier absolu de ma culture et de mes références personnelles, quand bien même ça ne se ressent pas forcément dans ce que je fais.

L’autre parent si je cherche parmi les gens qui font de la chanson, je dirais Yseult. C’est tourné vers le futur j’aime bien. Dans Corps par exemple j’aime beaucoup l’écriture. Il y a quelque chose d’assez spontané. Il y a une simplicité dans le vocabulaire et la construction des phrases un peu de but en blanc, ça ne se prend pas la tête dans la forme, et ça plus ça va et plus ça me parle. Une sorte d’urgence à dire les choses sans détour, comme peuvent le faire les anglophones finalement.

 


CàP :  Revenons à présent sur les 2 mots qui composent le titre de ton EP « Cœur combattant ».

A quoi associe s-tu spontanément le mot cœur, et le mot combat ?


M : Cœur je le lie à l’intime, et combat à la force.

Le mot combat est en fait un vecteur mais au fond ce n’est pas un combat c’est plus un champ lexical. Dans ma vie en général je suis souvent dans le combat mais ce n’est pas le cœur du sujet.

 

CàP : Tu écris : Pourquoi ? Et, Pour Quoi ?


M : Alors en premier lieu j’écris pour parler de ce qui me touche, et prendre du recul sur les choses. Quand j’écris sur des choses viscérales, elles ont déjà été digérées.
Justement parce que j’écris « pour quoi » : pour communiquer et rencontrer les autres, et savoir si on a ça en commun ou pas.

Si je n’ai pas pris assez de recul ça n’ouvrirai pas le dialogue.
En tout cas, ça part souvent de choses assez personnelles, et j’espère que ça ne se regarde pas le nombril. Et que ça reste de vraies questions ouvertes. C’est un peu engagé sans être militant. Parce que j’ai envie de parler de sexualité de manière décomplexée alors que je suis une femme, parce que -et là je parle du présent et aussi du futur- j’ai envie de parler d’une manière de vivre qui n’est pas forcément convenue aujourd’hui dans notre société. Notamment là je suis en train d’écrire sur la notion de fidélité, la notion d’exclusivité dans le couple, dans la sexualité. Il y a une sacralisation autour de ça qui à mon sens est un peu absurde. Ce sont des concepts judéo-chrétiens tellement ancrés dans la vie des gens avec cette notion du bien, du mal…C’est un truc avec lequel je me bats, parce que ça ne correspond pas à ma manière de vivre. C’est hyper intime comme sujet mais en même temps je pense que ça peut être hyper général aussi. Je ne propose pas mon mode de vie et mon point de vue comme la Vérité mais en disant voilà moi je fais comme ça et ça me convient alors que ce n’est pas la norme, c’est déjà être engagé de le raconter. Assumer publiquement une différence est déjà un engagement en soi.

 


CàP : Toi pour être ronde tu manges des hommes, ton écriture elle mange quoi pour être aussi pleine et riche ?

M : Alors je ne vais pas répondre avec des noms sur les inspirations en termes d’influences. Car, en vrai, pour être la plus sincère dans mon écriture, je ne conscientise pas trop mes influences.

En fait mon écriture se nourrit vraiment de ma vie, de moi, de mes sentiments, de mes émotions et de mes rencontres du coup. Par empathie de ce que je peux attraper des autres.

 

CàP : Si tu devais envoyer un de tes textes aux ET, lequel choisirais-tu ? Et pourquoi ?

M : Je dirais Jusqu’à la mer parce que c’est un peu un tableau. Un peu un rêve, un peu contemplatif. Je n’enverrai pas quelque chose qui décrit plus précisément l’humain, plus quelque chose de joli, comme une invitation.

 

CàP : Thierry Cadet dans son interview parlait de toi, en brossant le style de chaque candidat finaliste, comme de la punk de l’édition… Te reconnais -tu dans cette description ?

 

M : (Gros éclat de rire) ahah ! Mais enfin ! Tout ça parce que j’ai les cheveux rasés, quoi !! Moi je ne me sens pas hyper punk dans la société, mais par exemple dans ma famille, je dis que c’est punk de faire de la pop, parce que j’ai dû faire un coming-out de pop, donc pour moi c’était un peu punk de faire de la pop et ça l’est toujours. Après est-ce que c’est punk d’être une femme, d’être grosse, d’assumer, est-ce que c’est punk d’être féministe, je ne sais pas. Après tout si ça renvoie ça, pourquoi pas ?


Merci MELBA pour ce chouette moment !

J’en profite pour préciser que vous pourrez retrouver MELBA en concert en 1ère partie de MPL au Ninkasi KAO à LYON le 13 Février prochain, et toujours en 1ère partie de MPL à la Maroquinerie à PARIS le 27 mars!
 

Surtout MELBA sort le tout nouveau clip de son titre Céleste le 5 février.
Pour être sûr(e)s de ne pas le rater er de suivre toute ses actualités musicales, c’est par ici  
Vous pouvez également écouter   ou   !  Ou visiter son site web ICI -

NB:  vous trouverez dans la partie merch de super culottes à offrir à toutes vos amies, ouais ouais, elle est comme ça MELBA, originale jusqu'au bout des ongles :)

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