Interview Francoeur
Meow !
Avec son EP D'où vient le Nord ?, FRANCOEUR nous offre un joli voayge dans son monde imaginaire. Une expérience onirique qui a séduit le jury du Prix George Moustaki et lui vaut une place en finale de l'édition 2020.
C'est avec plaisir que je reçois cette Chasseuse de rêve aussi spontanée que surprenante pour parler d'écriture.
Ensemble, on a partagé un moment autour des contes fantastiques : elle m'a raconté l'odyssée de sa plume, sa rencontre avec une fée, son obsession pour les slogans publicitaires mais aussi ses autres terrains de jeu.
J'espère que vous aurez autant de plaisir à faire ce voyage hors du temps en sa compagnie que moi-même lors de notre échange et surtout que vous en saurez un peu plus à l'issue de votre lecture sur la manière de chasser les rêves !
Poétiquement vôtre,
Le Chat à Plume
FRANCOEUR est en finale du Prix George Moustaki
le 20/02/2020 avec son EP "D'où vient le Nord?"
Francoeur / auteure-compositrice-interprète
Le Chat à Plume : Bonjour Francoeur, te voilà donc parmi les finalistes du Prix Georges Moustaki. Comment as-tu connu ce prix ? As-tu eu quelques coups de cœur parmi les plumes des autres finalistes ?
FRANCOEUR : J’ai entendu parler du Prix Georges Moustaki pour la première fois il y a 2 ou 3 ans et j’ai suivi un peu justement les finalistes…
J’avais découvert notamment Gatica et Gervaise me semble-t-il. Il y en a eu plein. En plus c’est super sur le site du prix tu as accès aux candidats des éditions précédentes. Tu peux faire plein de belles découvertes. C’est les 10 ans en plus qu’on fête ! What a thrill ! Je suis trop contente qu’on fasse les 10 ans en fait !!
Et cette année je n’ai pas encore écouté BRUNE, que j’aimerais vraiment découvrir sur scène, ni MELBA. J’ai écouté Théophile : je l’ai trouvé hyper rythmé ; le gars s’empare un peu de toi avec son timbre, il utilise des mots assez ciselés mais pas trop, c’est assez simple, assez proche. Je crois que j’aime beaucoup le personnage aussi ! Et puis Abel aussi forcément ! avec son amour ultra-chelou que j’ai déjà rencontré avant. Et j’ai écouté Andoni aussi ! Et c’est… oui je crois que pour le moment c’est vraiment ce que j’ai préféré écouter. J’ai hâte de le voir sur scène. C’est très embarquant comme univers et il a un timbre qui me plaît beaucoup.
CàP : Parlons un peu de toi à présent. Te considères -tu plutôt conteuse, chanteuse, ou poétesse ?
F : Poétesse, je ne sais pas pas. Je ne me suis jamais vraiment posé la question en ces termes. Conteuse, oui, c’est sûr. En plus dans ce que j’écrit et ce que je mets en place dans les lives il y a des petits passages parlés-contés. J’aime beaucoup cette approche, parce que c’est un peu la première approche adulte de l’histoire qu’on raconte aux enfants. C’est-à-dire qu’on pense toujours aux contes pour enfants alors qu’il n’y a pas que des contes pour enfants, et, que souvent les contes pour enfants cachent un double sens. C’est ce que j’aime beaucoup avec les contes.
CàP : D’ailleurs, dans tes textes de chansons, comme dans les contes on retrouve souvent une certaine violence. Dans les choix de mots notamment. Est-ce quelque chose de conscient ?
F : Je ne sais pas si c’est la tradition du conte qui est consciente dans ma démarche d’écriture. Mais ce qui est vrai, c’est que ce que j’aime faire c’est écrire quelque chose qui en apparence est assez doux, assez léger, assez proche de l’onirisme, parfois même proche du champ lexical enfantin. Mais j’aime bien casser avec un mot qui se rapporte au réel pour marquer une brisure. Là par exemple, j’ai un morceau qui parle de l’enfant, qui va vers le passage à l’âge adulte. J’y parle de moi forcément car c’est l’exemple qui m’est familier. Ça s’appelle Les cheveux blancs. Ça débute par « Dis-moi Papa pourquoi tu pleures ? » et j’y parle de diverses choses et d’un coup vient le mot « tumeur ». Je dis que « Pour moi la vie n’est qu’une tumeur/ viens me redonner tes couleurs… » et en fait c’est un peu l’anomalie. C’est le seul mot de ce texte qui est tranchant. Tout le reste des mots est assez délicat, un peu comme des vagues et là on a une espèce de rocher qui arrive sur le flanc et qui fait « cruic », juste en dessous du cœur mais c’est juste un mot.
CàP : Tu chantes en français, tu as adopté la harpe celtique. As-tu été tentée d’intégrer des langues gaéliques dans tes morceaux.
F : Dans mes morceaux non, par contre quand je faisais mes premiers shows d’une demie heure au moment où j’ai pris la harpe sous mon aile, je terminais par un morceau qui s’appelle la Chanson du Pirate, et juste avant de faire cette chanson là qui est un a capella. Je faisais un petit peu de Women of Ireland, mais en langue gaélique.
CàP : Comment est né ton nom d’artiste, Francoeur ?
F : Et bien Francoeur est né d’une certaine ivresse, lors d’une sortie dans une trattoria un peu arrosée avec des amis. Je me suis cassée la binette sur le trottoir dans le 18ème et je m’en suis relevée en riant aux éclats et sur la plaque c’était écrit « Rue Francoeur ». Je me suis dit que c’était joli. Le lendemain, ça a dû former quelque chose avec les bulles que j’avais ingurgitées et je me suis dit vraiment c’est pas mal « Franc », « Cœur » , « Rancoeur » à l’intérieur… et je l’ai adopté.
CàP : Tu romances beaucoup ce personnage de Francoeur, que tu définis comme un chasseur de rêves. Ce personnage te cache ou te révèle-t-il ? Quelle influence a-t-il sur ton rapport à l’écriture ?
F : Je ne pense pas me cacher derrière ce personnage. Au contraire il me permet de montrer ce que je suis sur scène. En fait c’est marrant parce que quand tu commences à évoluer professionnellement dans le milieu de la musique on te dit souvent qu’on ne peut pas se permettre d’être sur scène comme à la ville, et moi j’ai toujours été en désaccord avec ce truc là parce que ce que j’aime justement c’est d’échanger avec les gens qui viennent me voir chanter. Qu’importe si c’est une salle où je ne vois pas les gens, ou si c’est un concert en intimité à dix personnes, j’ai vraiment besoin de sentir la tension en deux mots ou l’attention en un seul mot, la vibes des gens etc…
Du coup mettre en place un personnage qui n’en est pas un – parce que de toute façon dans la vraie vie je suis un chasseur de rêves, je passe beaucoup de temps à buller dans mon coin à refaire des scénarios , à repeindre les personnages etc, -donc ça m’a plutôt permis de monter sur scène en me disant, sur scène il faut avoir un personnage et bien ce personnage : c’est moi. Il me révèle plus qu’il ne me cache.
Du coup par rapport au texte, il n’y a pas tant de distance parce que ça parle beaucoup de moi. Même si je ne l’ai pas forcément vécu, bien qu’il y ait pas mal de chansons qui sont autobiographiques. Mais ça parle beaucoup de mon prisme. Du coup, je m’investis beaucoup dans l’interprétation et la façon de souligner les mots, que ce soient des textes simples ou des textes un peu plus alambiqués. J’aime bien justement ne pas mettre de distance avec le texte pour que ça puisse justement révéler toutes ses couleurs. (Le personnage est polymorphe)… un peu comme si tu choisissais une facette de ta personnalité et que tu la mettais en valeur à un moment donné. Un peu par exemple comme tu ne parles pas pareil quand tu vois tes parents, ou bien tes meilleurs potes. Tu n’utilises pas les mêmes mots, les mêmes postures, les mêmes mimiques, tu n’as peut-être même pas forcément le même rôle. Peut-être que tu as un rôle très serviable en famille alors que tu es un clown en société par exemple. En tout cas moi ça me permet d’investir chacune des facettes de ma personnalité et de l’injecter dans un morceau.
CàP : A propos de ton métier de chasseuse de rêve, je suis curieuse, avec quel outil attrape-t-on des rêves ?
F : Ce n’est pas une perche à papillons en tout cas. Après chacun ses rêves. Mais les miens sont plus en forme de bulles donc les bulles, en fait, c’est difficile à attraper. Parce qu’il suffit d’une pression un tout petit peu trop forte pour que ça éclate, et ce serait quand même dommage qu’ils éclatent avant de les avoir vécus. Donc c’est plutôt une espèce d’approche. Il faut être prêt et puis au moment où ça éclate, il faut être là. Tu sais quand une bulle éclate – parfois elles sont tellement grosses et tellement gorgées d’eau- que quand elles éclatent elles t’éclaboussent. Comme une écume de rêve, quoi. En fait c’est ce moment là que moi j’aime beaucoup.
CàP : Tu te décris publiquement sur FB comme passionnée d’ésotérisme. Est-ce quelque chose qui influence ta manière d’écrire.
F : En fait dans l’ésotérisme ce que j’aime beaucoup c’est la pluralité des possibles, la pluralité des réalités qui s’offrent à toi quand tu passes à travers un médium quel qu’il soit. C’est-à-dire qu’il y a des gens qui travaillent avec des oracles par exemple, qui sont des cartes, qui sont souvent d’ailleurs très joliment dessinées. Les dessins sont très différents en fonction des oracles. Y’a l’oracle des Ombres, des Femmes etc… et en fait ce que j’aime beaucoup avec les cartes – avec les oracles ou avec le tarot – c’est la projection que tu peux faire sur un dessin. Donc tu montres un dessin à quelqu’un et il ne te dira jamais la même chose que la personne à qui tu l’as montré avant ou la personne à qui tu le montreras après. Et j’aime beaucoup cette projection là parce que sur un même support, réel, physique, tangible que tu as dans la main, les gens projettent une réalité qui est différente. C’est un peu ce que j’essaye de faire à travers mes textes. Je suis une fille populaire au sens propre du terme. J’aime bien que mes textes soient accessibles, qu’importe ton âge, ta culture, ta classe sociale... Qu’importe qui tu es et les angles avec lesquels tu arrive :, j’aime beaucoup l’idée que ce support là te parle et que tu puisses y injecter tes propres souvenirs et tes propres émotions. Me dire que la musique est vecteur de quelque chose d’universel mais dont chacun s’empare de façon unique.
CàP : A ce sujet, as-tu des anecdotes concernant tes textes où tu as été surprise de l’interprétation des gens ?
F : La chanson qui marche beaucoup « Dessine-moi » c’est rigolo, ça parle de la mort et beaucoup pensent que c’est une histoire d’amour. Quoique la mort ça pourrait être une histoire d’amour avec l’Homme et la mort aime tellement l’Homme qu’elle le mange jusqu’à le faire mourir. (rires) Ça peut être une prochaine histoire, un prochain thème de chanson. Mais oui le fait de faire danser un peu comme ça sur le thème de la mort, forcément les gens, c’est pas la première chose qui leur vient quand on leur dit : « encore un peu plus près, approche que je te morde, bel endormi… », ça fait plus penser à la Belle au Bois Dormant qu’à la mort qui vient croquer le cœur de l’homme ou de la femme qui va s’éteindre. A l’inverse sur Quand vient l’aurore, y’a quelqu’un qui a été très frontal et qui m’a dit à la fin du concert, « oui bah c’est une histoire de cul, quoi ! ». C’était très drôle qu’il le dise comme ça parce que pour le coup je ne chante et je ne parle jamais comme ça. Mais il avait vu juste. « Quand vient l’aurore » parle de l’étiolement de la relation charnelle dans le couple. Ce qui est rigolo c’est que je ne le dis pas du tout de façon ouverte. Et y’a des mots, y’a vraiment que moi qui peut savoir ce que je mets derrière. Et cette personne du coup ça m’a troublée parce qu’il ne s’en est pas fait un faux sens. Et quand il m’a dit « oui c’est une histoire de cul qui se passe mal », autour tout le monde l’a regardé en rigolant en mode « faut pas faire attention à lui ». Et en fait j’ai éclaté de rire en disant « je ne sais pas ce que vous avez vu dans le texte, mais il a raison ! C’est le cœur du morceau !» Et là tout le monde est tombé des nues, c’était assez rigolo.
Clip officiel Dessine-moi, issu de l'EP "D'où vient le Nord" de FRANCOEUR-.
CàP : As-tu des thèmes de prédilection et pourquoi ?
F : Je me suis rendue compte que je parle beaucoup de la relation amoureuse- y’a D’où vient le Nord ? Oh mon amour ! Quand vient l’aurore…etc , des liens entre les gens en général. Comme le lien parent-enfant sur les Cheveux blancs. Mais ça dépend des moments -après je ne suis pas sûre que ça parte de thèmes, des fois je fais juste un rêve et j’ai envie d’écrire dessus…
CàP : Justement qu’est ce qui déclenche l’écriture d’un texte en général chez toi ?
F : Parfois ça peut être comme les poètes maudits, et je me réveille au milieu de la nuit comme ça, et je ne peux pas me rendormir sans avoir écrit ce que j’ai au bout de la plume. Sinon c’est parfois, voire souvent, une phrase que quelqu’un sort comme ça dans la rue. Ou une scène. Ça peut même parfois être un mot. Quelqu’un qui utilise un mot que je trouve inhabituel dans son contexte, et du coup mon cerveau fait une espèce d’accroche, de lumière comme ça sur le mot.
Il y a un titre que je joue qui s’appelle La bougie- que j’ai écrit pour un ami parti trop tôt – et en fait y’avait pas de titre pour ce morceau, parce qu’en fait c’était pas vraiment une chanson : il n’y avait pas couplet-refrain-pont comme je peux faire d’habitude, celui-ci était très mouvant ça vacillait beaucoup etc. Et puis j’ai quelqu’un comme ça qui m’a parlé d’allumer des bougies quand je jouais ce morceau. Et le mot “bougie” m’a fait une traversée du cerveau en mode « les gars depuis tout à l’heure, je vous dis que le morceau vacille. Evidemment qu’on va l’appeler la bougie ce morceau ! ». Avec tout ce que ça implique aussi quand tu allumes un cierge et tout.
CàP : Quelle est la part du merveilleux/ de l’imagination dans tes choix d’écriture. Que vient-elle remplir par rapport aux thèmes que tu choisis ?
F : Pour moi c’est l’essence même de ma façon d’écrire. C’est l’essence même d’ailleurs de la naissance de Francoeur, d’injecter du merveilleux, ou du fantastique ou de l’irréel, pour pas forcément pour enrober, mais plutôt pour enjoliver les choses du quotidien. C’est un peu mon échappatoire de faire comme si la vie était un conte fantastique.
CàP : Quelles sont tes influences ?
F : Je ne sais pas si ça s’entend dans mes textes mais je sais qu’il y a des artistes qui m’ont influencée. Par exemple, je suis très fan de Tim Burton, et très fan aussi de l’univers de Tolkien. D’ailleurs, ça c’est rigolo, parce qu’avec la harpe et tout, ça fait vraiment le côté elfique de la force. La musique de film.
Par Tim Burton j’ai découvert Danny Elfman, qui est un de mes Dieux de musique de film. D’ailleurs, j’aime beaucoup la musique de film, j’en écoute beaucoup. J’écoute plein d’autres trucs mais les moments où je me pose en me disant « tiens je vais écouter de la musique » ça commence souvent par une session de musique de film ou de musique de gaming. Des musiques d’ambiance comme ça. Par exemple je joue à Donjons et dragons et y’a des musiques comme ça avec des pas dans les cachots pour te mettre dans l’ambiance quand le maître du jeu te dit qu’il y a une porte fermée ou autres. Donc ça j’écoute beaucoup les « noisers » en fait ceux qui fabriquent du son.
Et en influence plus chanson, il ya Michel Berger et Alain Souchon. Je crois que Foule sentimentale c’est l’album que j’ai dû écouter 1292 millions de fois minimum. D’ailleurs Alain si tu nous écoutes : la SACEM c’est grâce à moi ! J’aime beaucoup Zazie aussi, notamment sa chanson Hissée haut que j’ai découvert récemment et Je suis un homme.
CàP : Avec toi j’ai envie de faire un interview très imaginative et un peu onirique- Tu vas nous raconter l’histoire de ta plume comme un voyage initiatique, un conte fantastique… ça te va ?
Commençons…
Raconte-moi la genèse de ta plume, de quelle contrée vient-elle ? Comment est-elle née ?
F : Elle a dû naître un peu avant qu’on m’apprenne à écrire. Quand on apprend aux enfants à reconnaître les blocs. Je pense qu’elle a commencé à me chatouiller le nez et les oreilles quand j’apprenais un peu à lire comme ça, mais avant d’aller à l’école. Elle est née très certainement en Bourgogne parce qu’on avait une espèce de manoir chez ma grand-mère que j’appelais Mamie Cocotte, parce qu’elle avait des cocottes. Ah Mamie cocotte avec la plume ça va tellement bien (rire).
J’ai une super relation avec cet endroit-là. Y’avait des meubles qui tenaient un peu du château, et il y avait un grand jardin. Et je me rappelle d’une chute en balançoire où ça m’avait un peu sonnée et où quelqu’un s’était complètement fichu de moi, mais de manière très cristalline et en fait ça a été ma première rencontre – je devais avoir 3 ans et demie – avec une fée. Je me suis cassé la binette, j’ai eu la tête qui tournait, j’ai entendu quelqu’un se moquait de moi, et j’ai eu une espèce de lumière qui est partie de ma tête comme ça… Alors est-ce que c’est le fruit de mon imagination ou est-ce que j’ai vraiment rencontré une fée, personne ne le saura... Et je me rappelle que c’était le moment le plus extraordinaire de ma toute petite vie, et je me rappelle que j’avais voulu l’écrire. Alors que je ne savais pas écrire. J’avais pris une feuille et j’avais baragouiné des lettres, j’avais mis des « a », des traits – et alors si on retrouve cette lettre un jour ça ne veut rien dire- c’était un mélange de russe, mais avec des lettres que nous on utilise…. Mais pour moi c’était tout à fait “fluent” dans ce langage là et je disais mais bien sûr et je lisais, et je racontais mon histoire avec la fée. En fait je crois que Tolkien m’a tout pris (rires).
CàP : Raconte-moi sa jeunesse à cette plume…
F : Après il a fallu apprendre à la travailler. Et à lui apprendre le vrai langage des êtres humains de la France. Et après – je pense comme tous les enfants- je racontais ma vie dans un cahier. Sauf que je n’avais pas un cahier pour les histoires et un autre pour ce que je vivais au quotidien. Mon journal intime c’était un mélange d’histoires que j’inventais et de choses du quotidien. Donc ça a commencé comme ça.
Et puis, très tôt j’ai choisi, d’utiliser le mot chat et le mot ciel par exemple, et du coup c’étaient 2 mots qui devaient me lancer sur une histoire. Je faisais beaucoup ça quand j’étais gamine. D’ailleurs je me rappelle même ma première épreuve d’écriture c’était sur ce principe. Je devais avoir dans les 7-8 ans. Et ma nourrice ne me croyait pas quand je racontais mes histoires, elle me disait toujours que ce n’était pas de moi. Et donc du coup avec ma mère en fait, un jour on lui a proposé de me mettre au défi. Le but du jeu c’était de me donner un thème qui serait imposé avec un temps imparti et que je compose mon histoire sous leurs yeux.
Et donc je me rappellerai toute ma vie de ce premier challenge : le thème c’était le feu et la glace. Donc j’étais partie sur le personnage du feu, tu sais, flamboyant avec beaucoup d’égo qui dit que c’est lui le plus fort, qu’il gagne toujours. Et puis la glace qui essaye de le tempérer qui lui dit c’est pas possible tu ne peux pas t’emporter comme ça avec tout le monde, tu ne peux pas écraser le monde entier d’ailleurs c’est pas vrai, un jour tu tomberas sur plus fort que toi. Et le feu se moque tellement de la glace qu’il s’en approche par bravade en lui disant tu vois de toute façon, tes paroles c’est du vent, tu es en train de fondre. Bah oui, mais du coup la glace a tellement fondu que c’est devenu de l’eau et qu’est née une grande vague qui a éteint le feu.
CàP : Quelle est la quête, la mission de ta plume ?
F : Sa mission est de ne pas avoir d’objectif fixe, de ne pas avoir de fin. Moi je suis adepte de « rien ne se perd tout se transforme » en fait. Et quand tu prends une plume, que ce soit pour écrire ou pour dessiner d’ailleurs, le trait peut être infini, comme il peut être discontinu, et je crois que la quête de ma plume c’est de toujours dessiner un chemin, une passerelle quand tu es bloquée quelque part. De dessiner une porte pour que j’évite de me prendre un mur qui pourrait complètement fracasser ma tête. Je crois que son but c’est quand même d’être l’échappatoire, et le côté un peu thérapeutique, musical que j’aime mettre en place face aux embûches. Ça peut être de l’ordre de la guérison ou de l’ange gardien. J’aime bien cette idée.
CàP : Quelles sont ses rencontres en chemin ? Quels obstacles a-t-elle rencontré ?
F : Les obstacles sont faciles à nommer, une plume légère onirique se confronte à l’abrupte, au verbe acerbe, dont moi je suis fan par ailleurs, mais que je n’utilise pas pour raconter mes histoires de chasseurs de rêve. Et c’est un reproche qu’on me fait souvent d’ailleurs. Mais c’est vrai que projeter l’imaginaire comme ça et enjoliver les choses, détourner un mot pour en faire autre chose, c’est souvent perçu comme un manque de maturité sur ce qu’est de souffrir et de ressentir. Alors que franchement moi j’ai l’impression que c’est complètement l’inverse. Mais tout est une question de subjectivité… Et les rencontres, pour la plume, la rencontre la plus marquante ça va être le séminaire d’écriture de la maison d’édition. C’est là que j’ai rencontré Philippe Paradis, qui pour le coup m’a bousculée, pas tant en termes d’écriture, mais dans ma façon de dynamiser et de vitaliser le texte d’une façon beaucoup plus frontale que ce que j’écrivais moi.
CàP : De quoi est faite l’encre de ta plume ? Quelles en sont les couleurs ?
F : J’ai envie de te répondre que c’est une encre invisible et que chacun y met les couleurs de son propre imaginaire, et que là pour le coup en termes de jardin secret chacun fait sa déco comme il veut dans sa tête.
CàP : Ta plume voyage depuis quelques temps avec la Musique, et avec plusieurs instruments. Parle-moi de leur(s) rencontre(s)- de leur voyage ensemble.
F : Il y a eu beaucoup d’instruments en effet, mais moi l’instrument primaire et primale que j’utilise depuis toute petite c’est la voix. Et j’ai eu un véritable coup de foudre pour l’instrument, c’est-à-dire que chanter c’est absolument vital. Si je ne chante pas pendant 3 jours , je commence à déprimer. J’ai vraiment ce rapport là très intime et très intense avec la voix. Et j’ai essayé de trouver un instrument qui m’apporte peut-être pas ce coup de foudre que j’ai eu avec la voix mais au moins cette joie-là. Donc, j’ai essayé la guitare, la basse, le ukulélé, la batterie - oh mon Dieu quelle catastrophe ! quelle mauvaise coordination pieds-mains ! … Et la harpe en fait ça a tout changé parce que je me suis dit « ça y est, on y est ». Tu poses les mains dessus et tout de suite commence une histoire. Et du coup ma plume elle rencontre un instrument qui est tout de suite très lié à l’imaginaire. Les gens tu leur parles de harpe ils voient tout de suite les personnages du druide, la forêt de Brocéliande, tout l’imaginaire celtique, ou alors les princesses avec les grandes harpes classiques … C’est un instrument qui ne laisse pas insensible et laisse une trace dans les images qui peuvent te passer dans la tête. Et ça c’est du pain béni pour ma plume qui se dit « Wow, il y a déjà l’univers, on peut s’en servir comme une rampe de lancement,, tu vois !! »
CàP : Entre la harpe et la plume, laquelle stimule l’autre ?
F : J’ai trois façons de faire. J’écris, et ça fait ou ne fait pas une chanson et là tu viens broder et dessiner autour du texte. Y’a la version je crée la mélodie et les harmonies et ensuite le texte vient se poser dessus. Ou alors 3ème option, y’a tout qui vient en même temps. Je fais une espèce de yaourt en français. Ça dépend vraiment des fois. Chasseur de rêves par exemple j’ai mis les mains sur la harpe, j’ai commencé à égrener les accords et tout est venu en un rien de temps.
CàP : Quelle seront les prochaines aventures de ta plume ?
F : Le prochain défi de ma plume c’est le nouvel EP qui est en cours d’écriture. Et j’ai envie que cette plume qui a beaucoup mis en valeur les choses impalpables, l’imaginaire, le côté un peu rêveur – un poil enfantin- et les histoires d’amours etc. J’aimerais que son encre invisible devienne un peu plus noire pour sublimer les émotions que j’appelle les émotions oubliées. Ces émotions que l’on qualifie de négatives comme la tristesse, la mélancolie, la colère le chagrin. Moi je ne suis pas d’accord. Je n’ai jamais été d’accord avec ça, et j’aimerais bien, toute présomption gardée rendre leurs lettres de noblesse à ces émotions fortes qui sont loin d’être moches et négatives, mais que je trouve puissantes et belles.
FRANCOEUR - Chasseur de rêve - live au FGO-Barbara 2017
CàP : Génial ! Merci pour ce joli conte ! Revenons à des questions plus classiques à présent. J’aimerais que tu me parles de tes tics d’écriture. Quels sont-ils ?
F : J’ai un gros tic d’écriture, c’est la répétition ! Je crois que c’est un peu mon côté « enfant de la pub » ! Je répète souvent soit le même mot soit la même phrase dans un même morceau. On m’en a fait la remarque et je ne démérite pas de mon titre d’enfant de la pub et d’être là à chanter des solgans… Un slogan publicitaire c’est un poison, ça reste à l’intérieur de la tête pendant des millénaires. Je peux chanter (elle chante) « Saint Maclou, évidemment ! » ou alors le générique de Motus tu vois… Il faut peut-être que je fasse un morceau humoristique avec des slogans de publicité comme ça…
CàP : Tu chantes des contes … ou tu contes des chants… As-tu des fois caressé l’idée d’écrire pour un public d’enfants.
F : Ah oui, je pense que c’est un terrain de jeu qui doit être très agréable, parce que sans rentrer dans l’enfantillage et la mièvrerie de certains écrits pour enfants, je trouve qu’on fait de supers trucs pour les enfants maintenant. On ne s’adresse plus à eux tus ais comme quand tu prends la voix toute fluette tout ça. Et je crois que j’ai très envie de faire cet exercice-là. Peut-être pas tout de suite car ce n’est pas le moment. Mais j’aimerais bien me remettre dans la peau de la gamine quand j’avais 6-7 ans et d’écrire l’histoire que j’aurais aimé qu’on m’écrive. Ça parlera très probablement de choses comme la colère, le chagrin, ces émotions oubliées dont je te parlais tout à l’heure…
CàP : Quel artiste choisirais-tu pour un duo d’écriture ?
F : En chanson ce n’est pas compliqué : Alain Souchon. Il me fascine et me plaît beaucoup dans ses textes justement parce qu’il écrit des choses qui semble légères et en même temps pas si légères que ça à l’interprétation. Et sinon j’aurais adoré écrire avec Barjavel, et lui dire « là c’est trop long mais ça c’est super joli, on garde » et faire un bouquin ensemble !
CàP : Quand estimes-tu qu’un texte est terminé ?
F : Quand je n’ai plus rien à dire je crois. Je ne suis pas le genre d’auteure à passer des heures et des heures sur un même texte. C’est-à-dire que j’écris une première mouture. Si elle est bien, je garde. Si elle n’est pas bien, je laisse reposer pendant hyper longtemps et je repasse derrière. Le texte est fini quand j’estime que la boucle est bouclée.
CàP : Et pour une chanson ?
F : La chanson c’est un peu plus délicat parce que tu peux l’interpréter de façon différente sur tout un tas de trucs. Par exemple si la chanson parle de rupture, y’a plusieurs façons de vivre une rupture. Ça peut être une rupture d’un commun accord avec une mélancolie qui ne relève pas du chagrin, comme ça peut relever de la détresse, ou encore de la colère. Du coup par rapport à un même texte l’habillage et/ou l’interprétation peuvent changer complètement la couleur. Moi je pars du principe que les morceaux quand tu les enregistres, ce sont des photographies. Ça ne veut pas dire que tu ne peux pas les reproduire autrement, tu vois.
CàP : Écris-tu ou as-tu envie d’écrire d’autres choses que des chansons ?
F : Oui j’écris beaucoup de contes, que personne n’a jamais lus d’ailleurs, à part moi-même. J’ai un roman que j’écris aussi sur un personnage qui s’appelle Jade, et qui parle des tribulations d’une jeune femme qui s’arme de courage pour avancer dans la vie, et qui a quelques casseroles après elle, et qui voit quelques montagnes s’ériger un peu trop haut pour elle au départ. Et donc c’est l’histoire de comment elle avance ou comment elle recule dans le chemin qu’est sa vie. Je ne sais pas où ça va me mener, et même si j’ai envie de le publier un jour ou pas mais en tout cas ça m’aide à me changer les idées quand je me plonge là-dedans.
CàP : On va terminer par des questions ludiques à nouveau.
Burton, Tolkien, Barjavel sont dans un bateau. Avec toi. Que veux-tu créer avec eux ?
F : Alors là je dis « les gars on s’arme de courage et on devient Dieu, on recrée tout ! ». On invente les elfes, je veux voir des elfes ! On ajoute des nains. Je veux qu’il y ait des nains dans cette fichue planète. Je garde ce qu’on a ici sur la Planète Terre et j’utilise tout ce qu’on peut dans l’imaginaire pour avoir mille et une nouvelles plantes, des animaux bizarres, peut-être même des hybrides, hein, comme les halfelins– mi elfes-mi hommes. Je m’amuserais beaucoup à inventer une planète avec 4 soleils. Je crois que je referais tout. Les nuages seraient carrés. Voilà. Je foutrais un peu le bordel quoi !
CàP : On attend ça avec impatience alors ! En attendant puisque tu viens de faire chauffer ton imagination je te propose un portrait chinois un peu particulier.
pour chaque proposition tu vas attribuer à ton écriture une « forme ». C’est parti.
Si ton écriture était ….
CàP : Un animal réel
F: un louveteau. C’est mignon mais si tu le saoules il te déchiquète !
CàP : Un rêve
F: maîtriser les magies blanches et noires
CàP : Un danger
F: la foudre
CàP : Une créature imaginaire
F: un gnome des roches
CàP: Un super pouvoir
F: la télékinésie
CàP : Une planète
F : La Lune (même si c’est un satellite)
CàP : Un lieu
F : Le jardin de ma mère
CàP : Un végétal
F : un saule pleureur
CàP : Un minéral
F : un diamant brut. Il ne brille que si tu le polit, c’est un trésor caché
CàP : Un secret
F: la théorie des cordes
CàP : Un objet du quotidien
F : une boussole
CàP : Un objet magique
F : un cierge d’invocation
CàP : Une saison ou un moment
F : l’hiver
CàP : Pour finir sur l’imaginaire : Mettons que tu recroises la fée qui a fait naître ta plume. Quelle chanson de toi lui offrirais-tu ?
F : Je pense que je lui offrirai Chasseur de rêve, parce que c’est ce qui a donné le ton à ce qu’est devenue Francoeur lorsque j’ai rencontré la harpe. Et que la harpe ça fait quand même partie de l’imaginaire de cette petite fée et qu’après tout même si elle s’est moquée de moi lorsque je me suis cassée la binette de la balançoire, si je suis un chasseur de rêves c’est aussi parce qu’au départ on chasse les fées et que les fées peuvent devenir des rêves, et les rêves devenir des fées. Donc ce serait pour lui rendre hommage, ça serait pas mal !
CàP : Et à présent, atterrissons sur la réalité. Quelles sont tes actus des prochains mois ?
F : Je suis sélectionnée par les Inouïs pour aller jouer au Printemps de Bourges sur la scène Crossover Chanson (attention, annonce officielle mercredi à 19h sur leur page !) et ça c’est trop cool parce que je n’y suis jamais allée !
Je vais jouer dans les salles mythiques de ma région Bourgogne, celles qui me faisaient rêver.. et dans lesquelles je vais rêver accompagnée ! Même que je vais passer à nouveau sur France 3 Bourgogne et que ma plus grande fierté, c’est que ma famille soit derrière son écran avec les cotillons !
Un nouveau clip va paraître avant l’été et le prochain EP sortira en novembre 2020, l’aventure et les tribulations du Chasseur continuent, le bateau-pirate se remplit de rêveur·euses ! YOUPI TOUPIE !